Cour Suprême du Cameroun

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Chambre sociale

AFFAIRE:

Société Air-Afrique

C/

Ntjam Nguimbous

ARRET N° 111 DU 23 MARS 1971

LA COUR,

Vu les mémoires ampliatifs déposés les 9 et 10 novembre 1970 par Mes Danglemont et Nkili, avocatsdéfenseurs à Yaoundé ;

Attendu qu'il y a lieu de joindre les pourvois ;

Sur le pourvoi .de la Société Air Afrique, et son moyen unique, pris d'une violation des articles 3, paragraphe 2, et 37, paragraphe 2, de l'ordonnance du 17 décembre 1959, insuffisance de motifs, manque de base légale, ensemble violation de l'article 41 du Code du travail, en ce que l'arrêt a condamné la Société Air Afrique à payer à Ntjam Nguimbus Joseph la somme de 100.000 francs à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, alors qu'il ne constate pas, dans ses motifs, la preuve rapportée par Ntjam, d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de licenciement.

Attendu qu'il résulte des conclusions de la Société Air Afrique tant en première instance qu'en appel, que celle-ci alléguait comme motif du licenciement de Ntjam, le fait qu'il avait négocié des bons à valoir sur des transports de bagages à venir, consentis gratuitement par la compagnie à des passagers, lorsque le poids de leurs bagages actuels n'atteignait pas la totalité de leur réquisition ;

Que loin de constater, dans ses motifs, la fausseté de ce motif légitimé, l'arrêt se borne à se fonder sur un arrêt de la Cour criminelle, lequel avait relaxé Ntjam de l'accusation d'escroquerie dont il avait été l'objet à la suite des faits susvisés, au motif que les faits ne comportaient pas les manoeuvres caractérisées qui sont un des éléments du délit, et sur l'énonciation « que c'est par une pratique habile de ce procédé que Machoron et autres ont monté en grade, qu'il apparaît nettement que le directeur d'Air Afrique ne tenait pas à ce que Ntjam puisse, par le même procédé, accéder aux cadres de direction de la société, qu'en agissant de la sorte il a voulu faire échec au droit du travailleur d'avancer par la suite d'un travail digne d'éloge » ;

Qu'ainsi, alors au surplus que la Cour, sans avoir procédé à l'enquête prévue par l'article 41, deuxième alinéa du Code du travail pour constater l'abus, dénaturait le reproche fait par Air Afrique à Ntjam non d'avoir consenti à des clients de la compagnie des bons représentatifs de services dus et non effectués, comme le faisaient ses collègues, mais d'avoir négocié ces bons, et prêtait à l'employeur un motif réel qui, loin d'être prouvé par Ntjam, n'avait même pas été articulé dans ses conclusions d'instance et d'appel, l'arrêt, en énonçant une faute commise par la Société Air Afrique dans l'exercice de son droit de rupture sans préciser les preuves qui en avaient été versées aux débats, n'a pas mis la Cour suprême en mesure d'exercer son contrôle ;

Que par suite, sur le chef visé au moyen, l'arrêt dont les motifs sont insuffisants, a violé les textes visés au moyen et encourt la cassation ;

Sur le pourvoi de Ntjam ;