Cour Suprême du Cameroun

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Chambre sociale

AFFAIRE:

Di Sepio François

C/

Vasseli Alfredo

ARRET N° 6 DU 19 NOVEMBRE 1963

LA COUR,

Sur le premier moyen tiré du défaut de motif, dénaturation de conventions et des faits ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déduit à tort l'existence d'un contrat de travail liant Vasseli au sieur Di Sepio du fait que celui-ci l'avait fait venir d'Italie au Cameroun, l'avait hébergé, nourri, employé à quelques travaux imprécis et doté d'une allocation mensuelle de 30.000 Uranes, alors que manifestement l'intention des parties, dénotée par leur attitude réciproque, démontrait l'existence, non pas d'un contrat de louage de services avec lien de subordination, mais d'un contrat

« sui generis de bienfaisance » par lequel un ami plus fortuné aidait l'autre à vivre en attendant de trouver une situation tout en lui demandant de menus services, dont il n'avait en réalité nul besoin, pour sauvegarder son amour-propre ;

Mais attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que Vasseli travaillait chez Di Sepio tantôt comme vendeur à la boutique, tantôt comme chauffeur au salaire mensuel de 30.000 francs auquel s'ajoutaient des prestations en nature, nourriture et logement, évaluées à 15.000 francs par mois ; que les juges du fond ont en outre relevé que le sieur Vasseli avait été congédié par Di Sepio par lettre du 28 septembre 1959 dans laquelle celui-ci lui notifiait qu'il ne faisait plus partie de son personnel ;

Qu'en déduisant, par une interprétation souveraine des faits et .de la commune intention des parties, que celles-ci étaient liées par un contrat de travail, la Cour, loin de dénaturer et les conventions intervenues entre les parties et :es faits de la cause, a légalement justifié sa décision ;

Sur le second moyen pris du vice de forme, manque de base légale, en ce que, en prononçant la condamnation au paiement de deux salaires, de deux mois de congé et « des indemnités des articles. 94 et 95 du Code du travail » sans liquider lesdites condamnations » dont la liquidation était cependant formellement demandée par les conclusions, et spécialement en basant la dernière condamnation à indemnités sur deux textes qui ne contiennent aucun mode d'évaluation desdites indemnités, la Cour d'appel n'a pas mis la Cour suprême en mesure de contrôler l'application ainsi faite de la loi, et n'a ni répondu aux conclusions des parties ni rempli l'obligation de toute juridiction tenue de régler de façon précise et certaine le litige qui est soumis » ;

Attendu que la Cour a décidé que le sieur Vasseli était lié au sieur Di Sepio par contrat de travail à durée indéterminée au salaire mensuel de 45.000 francs, avantage en nature compris, et a condamné ce dernier à lui payer sur cette base « les salaires d'août et septembre 1959, deux mois de préavis indemnité des articles 94 et 95 du Code du travail pour une durée de deux ans de service, quatre mois de congés payés » ;

Attendu qu'il résulte expressément des motifs de la décision qui éclairent son dispositif que les juges du fond ont admis que « Vasseli, travailleur expatrié, pouvait prétendre à l'indemnité prévue aux articles 94 et 95 du Code du travail, ladite indemnité devant être calculée sur le taux du salaire mensuel de 45.000 francs » ; qu'ils ont dès lors légalement motivé leur décision ;