Cour Suprême du Cameroun

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Chambre sociale

AFFAIRE:

Hôpital E.P.C. Donenkeng

C/

Engoute Etienne

ARRET N° 71 DU 6 JUIN 1972

LA COUR,

Vu le mémoire ampliatif déposé le 16 décembre 1971 par Me Simon, avocat-défenseur à Yaoundé ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de la loi, violation de l'article 156-2 du Code du travail, dénaturation des faits de la cause, défaut de motifs, manque de base légale ;

En ce que la Cour pour condamner l'Eglise presbytérienne, hôpital de Donenkeng, à payer à Engoute préavis et dommages-intérêts déclare « qu'il n'est pas contesté qu'Engoute a été licencié », alors que par conclusions de première instance en date du 6 avril 1970 et d'appel en date du 25 février 1971, l'E.P.C. exprimait clairement que la rupture du contrat de travail ne lui incombait pas, mais au seul Engoute pour s'être mis hors de l'Eglise en vivant avec plusieurs femmes ;

Attendu que s'il est exact que dans les conclusions visées-ci-dessus l'E.P.C. prétendait que la rupture du contrat de travail était le fait de l'employé, celui-ci s'étant mis en contravention avec les règles de la religion chrétienne et de l'Eglise presbytérienne camerounaise en particulier, les juges du fond, tant de première instance que d'appel, ont cependant estimé qu'il y avait eu licenciement par l'employeur ; qu'ils ont d'autant moins dénaturé les faits de la cause qu'au dossier du tribunal figure un document intitulé « Extrait des minutes de la session de Donenkeng sur l'affaire M. Etienne Engoute » dans lequel il est indiqué ; « Depuis le jour où Engoute est tombé dans la polygamie jusqu'au jour de son licenciement il s'est écoulé un mois », et qu'un passage de l'arrêt est ainsi conçu : « Considérant que pour résister au paiement des indemnités réclamées, Me Simon fait valoir qu'Engoute a été licencié pour faute lourde » ; que le juge d'appel, comme le juge de première instance, a exercé ainsi son pouvoir souverain d'appréciation des faits, a suffisamment motivé sa décision et n'a pas violé le texte invoqué ;

D'où il suit que le moyen manque autant en fait et qu'il est mal fondé ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation de la loi, violation, fausse interprétation de l'article 34 du Code du travail ;

En ce que la Cour déclare contraires à l'intention du législateur et au Code du travail, les dispositions du règlement intérieur de l'hôpital concernant l'ouverture du travail aux seuls membres communiants (article 9 a), alors qu'il s'agit là d'une règle de discipline qui, eu égard au caractère religieux de l'ombre médicale de l'E.P.C., est fondamentale pour tout le personnel des hôpitaux et dispensaires de cette église et ne sort pas des limites tracées par l'article 34-1 du Code du travail et qu'une telle règle, incluse dans un règlement intérieur visé par l'inspection du travail, est donc pleinement valable ;

Attendu que l'article 34 du Code du travail dispose notamment que le contenu du règlement intérieur est limité exclusivement aux règles relatives à l'organisation technique du travail, à la disposition et aux prescriptions concernant l'hygiène et la sécurité, nécessaires à la bonne marche de l'entreprise et que toutes les autres clauses qui viendraient à figurer à ce règlement intérieur sont considérées comme nulles de plein droit ; qu'il en découle que la vie privée des travailleurs ne peut être soumise au règlement intérieur de l'entreprise, lorsqu'elle se déroule hors des locaux de celle-ci ;