Textes officiels de l'UEMOA
DIRECTIVE N°01/2001/CM/UEMOA DU 21 Mai 2001 RELATIVE AUX POSITIONS COMMUNES DES ÉTATS MEMBRES DE L'UEMOA POUR LES NÉGOCIATIONS COMMERCIALES MULTILATÉRALES DE L'OMC SUR L'AGRICULTURE
LE CONSEIL DES MINISTRES DE L'UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE OUEST AFRICAINE (UEMOA)
VU le Traité de l'UEMOA, notamment en ses articles 4, 16, 20, 21, 26, 82 à 85, 101 et 102;
VU le Protocole Additionnel n° II relatif aux politiques sectorielles de l'UEMOA, notamment en ses articles 13 et 14;
SOUCIEUX d'assurer une participation efficiente des États membres de l'UEMOA au système commercial multilatéral, géré par l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), leur permettant de tirer pleinement avantage de la mondialisation ;
DÉSIREUX d'assurer une meilleure coordination des positions des États membres, en vue des négociations commerciales multilatérales de l'OMC sur l'Agriculture ;
SUR proposition de la Commission ;
VU l'avis en date du 11 mai 2001 du Comité des Experts Statutaire ;
ARRÊTE LA DIRECTIVE DONT LA TENEUR SUIT :
Art. Premier — Les positions communes de négociation des États membres de l'UEMOA, pour les négociations commerciales multilatérales sur l'Agriculture, en cours au sein du Comité de l'Agriculture de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), sont arrêtées telles qu'elles figurent en annexe à la présente Directive.
L'UEMOA est une organisation d'intégration régionale créée le 10 janvier 1994. Elle regroupe les États membres suivants: la République du Bénin, le Burkina Faso, la République de Côte d'Ivoire, la République de Guinée-Bissau, la République du Mali, la République du Niger, la République du Sénégal et la République Togolaise. Ces pays appartiennent à la catégorie des pays les moins avancés (PMA), exceptés la Côte d'Ivoire et le Sénégal (pays en développement), et sont tous éligibles à " l'Initiative pays pauvres très endettés (PPTE) ". Tous les pays de l'UEMOA sont, par ailleurs, exportateurs de produits agricoles et importateurs nets de produits alimentaires.
Les États membres de l'UEMOA considèrent que les négociations commerciales multilatérales, actuelles, sur l'agriculture, devraient être davantage des négociations sur les politiques de développement que sur les droits de douane. Le secteur agricole représente une composante essentielle des économies des États membres de l'Union, aussi bien en termes de contribution au PIB, d'emploi, que d'échanges internationaux et de sécurité alimentaire. En considération de cette importance de l'agriculture, le Traité de l'UEMOA prescrit, au chapitre V du Protocole Additionnel n° II relatif aux Politiques sectorielles de l'Union, la mise en œuvre d'une politique agricole commune, dont les objectifs s'énoncent comme suit :
la réalisation de la sécurité alimentaire et d'un degré adéquat d'autosuffisance au sein de l'Union, tenant compte des complémentarités entre les États membres et de leurs avantages comparatifs respectifs;
l'accroissement sur une base durable de la productivité de l'agriculture, grâce à la maîtrise du progrès technique, au développement et à la rationalisation
de la recherche, de la production et des filières agricoles, ainsi qu'à l'utilisation optimale des facteurs de production, notamment de la main d'œuvre et des intrants, en vue d'améliorer le niveau de vie des populations rurales;
c) l'amélioration des conditions de fonctionnement des marchés de produits agricoles et des produits de l'élevage et de la pêche, tant pour les producteurs que pour les consommateurs.
Dans l'élaboration des principes directeurs de la politique agricole commune, il est tenu compte :
du caractère particulier de l'activité agricole, lié à sa spécificité sociale et aux disparités structurelles et naturelles existant entre les différentes régions agricoles;
de la nécessite d'opérer graduellement les ajustements opportuns ;
du fait que, dans les États membres, l'agriculture est intimement liée aux autres secteurs de l'économie.
Partant du constat que la mise en œuvre de l'Accord sur l'Agriculture issu du Cycle d'Uruguay n'a pas entraîné les résultats attendus dans le secteur agricole et que les règles en vigueur ne permettront pas de parvenir aux objectifs de la politique agricole commune, les pays membres de l'UEMOA arrêtent les présentes positions communes de négociation.
A cet effet, les enjeux des États membres de l'UEMOA dans le cadre des futures négociations agricoles se situent à deux niveaux :
obtenir des pays développés qu'ils libéralisent effectivement leurs politiques agricoles, afin d'améliorer la compétitivité interne et externe des produits agricoles qui présentent un intérêt pour le pays en développement et les pays les moins avancés, notamment les produits à haute valeur ajoutée ;
œuvrer au renforcement et à l'amélioration des dérogations en faveur des pays en développement et des pays les moins avancés.
« I - Mesures en vue d'une libéralisation effective des politiques agricoles des pays développés
Les mesures y relatives concernent les politiques d'accès aux marchés, de soutien interne et de subvention aux exportations.
« I-1 Au niveau de l'accès au marché
Les prochaines négociations sur l'Agriculture devraient déboucher sur:
une réduction substantielle des crêtes tarifaires par les pays développés et les nouveaux pays industrialisés : cette mesure permettra aux pays en développement de bénéficier de droits de douane plus bas et facilitera l'accès de leurs produits aux marchés des pays développés;
une forte atténuation de la progressivité des droits, en vue d'accroître la diversification de la production agricole des pays en développement vers des produits à haute valeur ajoutée: en effet, les droits de douane payés sur les exportations africaines à l'entrée des marchés des pays développés étant proportionnels au degré de transformation des produits, les pays africains sont enclins à continuer d'exporter des produits agricoles peu ou non transformés, ce qui n'est pas de nature à permettre une création de valeur ajoutée locale ;
un libre accès des produits agricoles originaires des pays les moins avancés sur les marchés des pays développés, au lieu des 43%, en moyenne, de réduction des droits de douane octroyés jusqu'ici : l'offre faite par l'Union Européenne dans ce sens, à savoir, une exonération totale pour les pays les moins avancés, devrait être reprise par tous les pays développés :
le maintien de la Clause de Sauvegarde Spéciale dans l'Accord sur l'Agriculture renégocié, et l'extension de cette clause aux pays en développement et aux pays les moins avancés qui en sont actuellement exclus, sans la conditionnalité relative au processus de tarification ; cette disposition permettra aux États membres de l'UEMOA de rendre la Taxe Conjoncturelle à l'Importation (TCI) conforme aux règles de l'OMC ;
un assouplissement des conditions de recours à la clause par les pays en développement: ainsi, les niveaux de déclenchement (quantités ou prix) pourraient être fixés annuellement par les pays concernés, soit sur la base de leur consommation intérieure et de leur production (quantités de l'année précédente), soit sur la base de leurs coûts de production intérieure (prix).
« I-2 Au niveau du soutien interne
o la réduction des mesures de soutien interne
Les mesures de soutien dans les pays développés devront être réduites de manière substantielle, de façon à éliminer le déséquilibre dans l'usage de telles mesures entre les pays développés et les pays en développement.
o un examen critique de l'utilisation des mesures de la "boîte verte" et de la "boîte bleue" par les pays développés.
- "la boîte verte"
II a été constaté que, malgré les réductions du soutien interne dans les pays développés mesuré à partir de la MGS, les niveaux généraux de soutien se sont, dans l'ensemble, accrus au lieu de diminuer. Il apparaît que beaucoup de pays développés, notamment l'Union Européenne et les USA, soutiennent leurs agricultures, à travers des programmes relevant non plus de la MGS soumises à des engagements de réduction, mais de la "boîte verte", échappant ainsi à une obligation de réduction.
En outre, le décuplement de l'aide des niveaux de production n'exclut pas des effets sur la production par le biais, par exemple, de l'augmentation du revenu des agriculteurs, ce qui peut accroître leur propension à investir dans la production.
La "boîte verte" peut ainsi masquer le soutien que continuent d'apporter les pays développés à leurs agricultures. Il conviendrait donc de prévoir des dispositions dans le nouvel Accord pour limiter l'utilisation abusive des mesures de cette boîte par les pays développés.
- "La boîte bleue"
A ce niveau, tout soutien couplé à la production doit être supprimé.
o une augmentation des niveaux de minimis.
La limite du pourcentage de minimis à retenir pour les pays en développement devrait être augmentée à au moins 10%. Ceci permettrait aux pays en développement de bénéficier d'une plus grande marge de manœuvre pour mettre en œuvre des mesures appropriées de soutien à leur secteur agricole.
« I-3 Au niveau des subventions à l'exportation
Une élimination des subventions à l'exportation et l'instauration d'une discipline sur les crédits à l'exportation sont à retenir.
Il est souvent avancé que le bénéficiaire des subventions aux exportations auxquelles procèdent surtout les pays développés, est le consommateur urbain des pays en développement, qui a ainsi accès à des produits alimentaires à bas prix.
Dans la plupart des cas, cet avantage apparent n'est que de court terme, car souvent anéanti par les difficultés de balance de paiement, de telle sorte que les vrais bénéficiaires sont les producteurs des pays développés, dont le niveau de revenu est maintenu grâce aux subventions.
Par ailleurs, les subventions à l'exportation contribuent à entretenir des flux de produits artificiellement compétitifs, favorisant ainsi le détournement des échanges, la réduction des activités économiques liées à l'agriculture et la dépendance alimentaire dans les pays en développement.
L'élimination de ces pratiques dans les pays développés permettra de résoudre durablement les problèmes de sécurité alimentaire dans les pays en développement.
Toutefois, les pays les moins avancés devront bénéficier de plus-de flexibilité dans l'utilisation des subventions à l'exportation, en vue de promouvoir leurs exportations de produits agricoles à fort potentiel d'exportation. En d'autres termes, il s'agit d'aller au-delà des listes de ces États, et d'étendre le champ d'application des dérogations à d'autres formes de subventions à l'exportation.
« II - Le renforcement des dérogations en faveur des pays en Développement et des pays les moins avancés
« II-1. Le traitement spécial et différencié
II s'avère que, dans la plupart des pays en développement et des pays les moins avancés, dont les pays de l'UEMOA, il n'est pas possible d'accomplir des progrès significatifs permettant de promouvoir la croissance économique, lutter contre la pauvreté et renforcer la sécurité alimentaire sans développer, de façon substantielle, le potentiel du secteur agricole et sa contribution au développement économique global.
Le traitement spécial et différencié constitue une réponse à l'inégalité de niveaux entre pays développés et pays en développement, du point de vue de l'économie, des finances, de la technologie et du développement.
Le maintien de ce principe ne devrait donc pas faire l'objet d'une remise en cause lors des négociations. Par contre, l'application de ce principe devrait se traduire dans les textes, par le renforcement des dérogations actuelles reconnues aux pays en développement et aux pays les moins avancés, ainsi que par la prise en compte de la situation particulière des pays enclavés.
Dans cette perspective, il conviendrait de fonder la définition des critères, en matière d'engagement et de délai, sur des indicateurs économiques, objectifs et vérifiables, notamment, en tenant, davantage, compte du niveau de développement et de la croissance dans le secteur agricole.
Une plus grande flexibilité devrait également être accordée aux pays en développement, et tout particulièrement aux pays les moins avancés, dans l'application des mesures d'urgence pour protéger les petits agriculteurs contre les importations et les pratiques commerciales déloyales, en particulier celles qui affectent la production vivrière de base destinée à la consommation locale.
« II-2. La création d'une "boîte développement"
Compte tenu du rôle de l'agriculture et de ses liens horizontaux avec d'autres secteurs dans les pays de l'UEMOA et dans les pays en développement de manière générale, il est demandé la création d'une "boîte développement" qui aura pour caractéristique principale de conférer une plus grande flexibilité aux orientations des politiques nationales en matière agricole.
L'article 20 de l'Accord sur l'agriculture stipule que les engagements au titre du programme de réformes devraient être pris, en tenant compte des considérations autres que commerciales, y compris la sécurité alimentaire et la nécessité de protéger l'environnement.
Les pays en développement pourraient avoir besoin d'accorder à leur secteur agricole, des soutiens et aides ciblés, à travers, par exemple, les aides à l'investissement, à la recherche et aux transferts de technologies, les subventions aux intrants et la protection des ressources naturelles, afin d'évoluer vers des activités à forte valeur ajoutée ou de desserrer les contraintes associées à l'offre pour favoriser le développement économique. De tels soutiens seraient éliminés, au fur et à mesure de l'augmentation de la compétitivité et de la rentabilité.
Les instruments de la "boîte développement" devraient contribuer, en particulier, à la réalisation des objectifs suivants :
accroître l'offre intérieure de produits alimentaires, notamment d'aliments de base;
favoriser un développement agricole durable ;
améliorer la sécurité alimentaire et l'accessibilité à la nourriture;
promouvoir la création d'emplois au niveau des populations défavorisées des zones rurales, afin de relever leur niveau de vie dans le cadre de la lutte contre la pauvreté: protéger la production locale des importations à bas prix
permettre la flexibilité nécessaire, en ce qui concerne les soutiens indispensables à l'accroissement des capacités de production et de la compétitivité.
« II-3 La Décision ministérielle de Marrakech
L'application de la Décision ministérielle concernant les effets négatifs possibles de la mise en œuvre du programme de réforme sur les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires n'a pas été effective.
Des mécanismes opérationnels devraient être adoptés, afin de permettre la mise en œuvre des mesures de soutien, notamment l'assistance technique et financière dans le cadre de la Décision. Ainsi, la mise en œuvre de la Décision devra faire l'objet d'un suivi-évaluation périodique, dans un cadre institutionnel formel. Par ailleurs, le mécanisme d'injection de l'aide alimentaire sur le marché local des pays en développement devrait être ciblé de manière à éviter toute perturbation de la production nationale.
« II-4 Autres sujets de négociation
o Les mesures sanitaires et phytosanitaires
Les normes de qualité et de sécurité sont, essentiellement, déterminées par les pays développés, les pays en développement étant rarement représentés dans les instances où se prennent les décisions.
Ces normes sont, par ailleurs, difficiles à atteindre pour les pays en développement et peuvent être utilisées, de façon déguisée, comme mesures protectionnistes par les pays développés. En effet, ta plupart des pays en développement, dont ceux de l'UEMOA, sont confrontés, au double plan, administratif et technique, à un manque d'institutions et de compétences requises pour valider la qualité des produits exportés et celle des produits importés, de sorte que le système de gestion des risques qui constitue un des aspects essentiels de l'Accord SPS n'est que faiblement engagé dans ces pays.
L'article 9 de l'Accord SPS dispose que les Membres de l'OMC acceptent de fournir une assistance technique aux pays en développement, soit au plan bilatéral, soit par le biais des organisations internationales. Les pays de l'UEMOA demandent par conséquent une application effective de cette mesure permettant la mobilisation de cette assistance ainsi que d'autres moyens, en vue d'assurer :
la formation du personnel de contrôle des pays en développement ;
la participation plus effective et plus efficiente des pays en développement aux travaux des comités,
la création et le renforcement des capacités d'analyse des laboratoires et services de certification et de contrôle ;
l'accroissement des capacités d'inspection des services de contrôle.
En outre, l'UEMOA propose la négociation d'une clause, selon laquelle la prohibition de production, de commercialisation et d'utilisation de produits, intrants et autres consommations intermédiaires dans les pays développés serait également étendue aux pays en développement membres. En d'autres termes, il s'agit d'introduire l'application d'une "clause de précaution généralisée" aux interdictions pour des raisons sanitaires et phytosanitaires.
o La compatibilité entre les mesures autorisées par l'OMC et celles des PAS/PASA
La plupart des pays de l'UEMOA n'ont pas pu bénéficier des exemptions et autres traitements spéciaux et différenciés issus des Accords du Cycle d'Uruguay, notamment dans le domaine de l'agriculture, en raison des conditionnalités qui sous-tendent les Programmes d'Ajustement Structurel (PAS) et/ou les Programmes d'Ajustement du Secteur Agricole (PASA) qu'ils ont signés avec les Institutions de Bretton Woods. La conséquence de cette situation est que le niveau de libéralisation et d'ouverture des marchés dépasse de loin le niveau prescrit par les engagements dans l'Accord sur l'Agriculture, tandis que le niveau de soutien est faible et insuffisant pour promouvoir certaines productions agricoles indispensables dans l'Union.
Les pays membres de l'UEMOA souhaitent, en conséquence, que soit négociée "une clause de conformité minimale" entre les mesures autorisées par l'OMC et les conditionnalités des réformes préconisées par les Institutions de Bretton Woods, afin de permettre aux pays qui se trouveraient dans cette situation de tirer réellement profit des dérogations auxquelles ils pourraient prétendre.
Ce problème pourra être posé dans le cadre du Groupe Intégré (Banque Mondiale, FMI, CCI, CNUCED, OMC, PNUD) dont l'élargissement du champ et la catégorie des pays concernés seront sollicités.
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