TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU

(BURKINA FASO)

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AFFAIRE:

Société des Ciments d'Abidjan

C/

Société Burkinabé des Ciments et Matériaux (CIMAT)

Jugement du 13 juin 2001

LE TRIBUNAL

Vu la requête de la Société des Ciments d'Abidjan (SCA) en date du 19 juin 2000 ;

Vu les pièces jointes ;

La Société des Ciments d'Abidjan expose à l'appui de sa requête que, dans un litige l'opposant à la Société Burkinabé des Ciments et Matériaux (CIMAT), le Tribunal Arbitral de la Cour Internationale d'Arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale a rendu le 17 août 1998 à Paris une sentence arbitrale ; que cette sentence est passée en force de chose jugée ; qu'elle a été déclarée exécutoire en France ; qu'elle réunit toutes les conditions nécessaires à son authenticité ; que la CIMAT ayant son siège à Ouagadougou, la SCA entend y poursuivre l'exécution de la sentence arbitrale du 17 août 1998 ; qu'elle sollicite du Tribunal, en application des dispositions des articles 669 et suivants du code de procédure civile, dire et juger que la sentence dont s'agit remplit les conditions prévues aux articles 995 et suivants du code des personnes et de la famille et en accorder l'exequatur ;

La CIMAT résiste à le demande en faisant valoir qu'en matière d'exequatur, le tribunal doit vérifier si la décision dont l'exequatur est demandé remplit les conditions prévues aux articles 995 et suivants du code des personnes et de la famille comme l'exige l'article 669 du code de procédure civile ; que selon l'article 999 du code des personnes et de la famille, « la reconnaissance ou la force exécutoire doit être refusée :

1° si le jugement ou l'arrêt étranger est incompatible avec les principes de l'ordre public burkinabé ;

3° si un litige entre les mêmes parties et ayant le même objet est pendant devant une juridiction burkinabé antérieurement saisie ou a déjà été jugé ou donné lieu à une décision judiciaire dans un autre Etat pour autant que cette dernière décision puisse être reconnue au Burkina » ;

Qu'en l'espèce, la sentence dont l'exequatur est demandé est contraire à l'ordre public burkinabé ; qu'en outre il existe une litispendance ;

Que la cession dont s'est prévalue la SCA pour obtenir sa condamnation a été opérée après la résiliation du contrat du 23 mars 1998 entre la CIMAT et Pragoinvest, du fait de la liquidation judiciaire de celle-ci ; que cette cession doit être considérée comme incompatible avec les principes de l'ordre public burkinabé ; qu'une ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou du 09 juin 1993 a constaté que la SCA n'avait pas qualité pour intervenir dans le litige opposant la CIMAT à la société Pragoinvest ; que cette ordonnance est toujours exécutoire, qu'il y a incompatibilité entre la décision étrangère et cette ordonnance ; que la démarche de la SCA vise à faire échec à la procédure de privatisation de la CIMAT décidée et organisée par le gouvernement du Burkina Faso ; que ce détournement flagrant de procédure, et la grave atteinte aux intérêts économiques du Burkina Faso générés par cet arbitrage, dont la conclusion compromet sérieusement la situation financière de la CIMAT, alors qu'au surplus, les droits de défense de celle-ci ont été gravement méconnus, les arbitres ayant statué sans convention d'arbitrage et ne s'étant appuyés sur aucune expertise pour fixer le montant de leur condamnation, constituant à l'évidence une violation réelle et sérieuse de l'ordre public burkinabé ;