Journal officiel du Sénégal

LOI n° 2004-09 du 06 Février 2004 uniforme relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux.

Au cours de la dernière décennie, le phénomène du blanchiment de capitaux a fait l'objet d'une mobilisation sans précédent de la communauté internationale. Cette mobilisation résulte d'une prise de conscience des menaces graves qu'il engendre notamment :

au plan moral : l'influence des organisations criminelles affaiblit le tissu social et mine les valeurs individuelles et collectives ;

au plan politique : l'opération de blanchiment permet aux détenteurs de capitaux d'origine illicite d'infiltrer les systèmes démocratiques grâce à la corruption afin d'obtenir une protection pour leurs activités délictueuses. Il constitue donc une menace pour l'ordre public et les valeurs républicaines ;

au plan économique : grâce aux importantes ressources financières dont ils disposent, les blanchisseurs d'argent sont en mesure d'acquérir des pans entiers des économies. Ils faussent, de ce fait, le fonctionnement normal des marchés en instaurant notamment une concurrence déloyale ;

au plan financier : l'utilisation des établissements de crédit à des fins de blanchiment peut entamer la réputation et la crédibilité des banques et établissements financiers et provoquer, en conséquence, leur déstabilisation et des crises systémiques.

Compte tenu des éléments susmentionnés, le blanchiment des capitaux porte atteinte non seulement à la sécurité mondiale mais aussi compromet la stabilité, la transparence et efficacité des systèmes financiers.

Les efforts déployés par la communauté internationale pour le prévenir et le réprimer ont abouti à une toile complexe d'instruments internationaux sur lesquels les états s'appuient pour y parvenir, à savoir :

la Convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, adoptée à Vienne le 19 décembre 1988 ;

la Convention du Conseil de l'Europe du 8 novembre 1990 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime ;

la Convention des Nations unies sur le crime organisé, adoptée le 15 décembre 2000 à Palerme (Italie) ;

la Directive du Conseil de l'Union européenne du 4 décembre 2001 modifiant la Directive du 10 juin 1991 invitant les Etats membres de l'Union européenne à modifier leur droit national afin de prévenir l'utilisation du système financier du blanchiment des capitaux ;

la Directive de Bâle de 1988 formulée par le Comité des règles et pratiques de contrôle des opérations bancaires de la Banque des Règlements internationaux ( BRI ) ;

les quarante recommandations du Groupe d'Action financière sur le Blanchiment de Capitaux (GAFI ) ;

Ces normes, recommandations et règles qui constituent aujourd'hui le cadre de référence sur lequel s'appuient les institutions financières internationales notamment celles de Bretton Woods pour évaluer les efforts des Etats en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, s'articulent autour des principes ci-après :

la ratification immédiate des conventions susvisées et la mise en œuvre sans restriction des recommandations ;

la création d'une cellule de renseignements financiers en charge du traitement et de l'exploitation des informations transmises par les assujettis ;

l'incrimination du délit de blanchiment de capitaux comme le prévoit la convention de Vienne ;

le gel, la saisie et la confiscation des biens blanchis ;

des règles d'identification des clients et de conservation des documents ;

une diligence accrue des institutions financières se traduisant par une déclaration à l'autorité de surveillance de tout soupçon de blanchiment ;

la mise en œuvre par les institutions financières de programmes internes adéquats de lutte contre le blanchiment de capitaux ;

le renforcement de la coopération internationale en matière administrative et judiciaire.

Dans le cadre de la mise en œuvre des obligations issues des instruments internationaux notamment la transposition dans le droit interne des principes ci-dessus, des actions ont été engagées à trois niveaux :

- Au niveau de la zone franc : au cours de leur réunion tenue en avril 2001 à Abidjan, les Ministres des Finances et les Gouverneurs des banques centrales des pays membres de la zone Franc ont affirmé solennellement leur volonté de se doter d'une législation contre le blanchiment de capitaux dès l'année 2002.