Journal officiel du Sénégal
LOI n° 2004-23 du 26 Juillet 2004 autorisant le Président de la République à ratifier le Protocole de la CEDEAO/A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance, additionnel au Protocole relatif au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement des Conflits, de Maintien de la Paix et de la Sécurité, adopté à Dakar le 21 Décembre 2001.
EXPOSE DES MOTIFS
Constatant que le Protocole relatif au Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité, adopté à Lomé le 10 décembre 1999, pour avoir plus d'efficacité, devait être complété dans le domaine de la prévention des crises intérieures, de la démocratie, de la bonne gouvernance, de l'Etat de droit et des droits de la personne, les Chefs d'Etat et de Gouvernement de la CEDEAO ont signé, à Dakar, le 21 décembre 2001, le Protocole additionnel A/SP1/12/01.
L'objectif visé par le Protocole additionnel A/SP1/12/01 est d'empêcher que les crises intérieures ne dégénèrent en conflits ouverts armés, en privilégiant les moyens pacifiques de règlement des conflits.
Le Protocole proclame la convergence des Etats de la Communauté autour des principes suivants :
la séparation des pouvoirs au sein d'un régime laïc, multipartisan, où l'indépendance de la justice est garantie ;
la libre désignation des dirigeants politiques au cours d'élections transparentes ;
la garantie du libre exercice des libertés publiques pour les citoyens qui participent à la décision politique.
Le Protocole proclame le caractère apolitique des Armées et des Forces de Police dont le rôle est circonscrit aux missions régaliennes de souveraineté et de défense de l'intégrité territoriale des Etats.
Le Protocole demande aux Etats-membres de veiller à la mise en place d'institutions indépendantes chargées de la promotion et de la protection des droits de la personne.
En vertu de ce Protocole, la CEDEAO peut prononcer des sanctions à l'encontre d'un Etat coupable d'une rupture d'un processus démocratique ou de violations des droits de la personne au sein de la Communauté. Elle sera habilitée à prendre les mesures ci-après :
refus de soutenir les candidatures présentées par l'Etat-membre concerné à des postes électifs dans les organisations internationales ;
refus de tenir toute réunion de la CEDEAO dans l'Etat-membre concerné
suspension de l'Etat-membre concerné dans toutes les instances de la CEDEAO ; pendant la suspension, l'Etat sanctionné continue d'être tenu au paiement des cotisations de la période de suspension.
Macky SALL.
PREAMBULE
Nous, Chefs d'Etat et de Gouvernement des Etats membres de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) ;
Vu le Traité de la CEDEAO, signe à Cotonou, le 24 juillet 1993, notamment en son article 58 ;
Vu le protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintient de la paix et de la sécurité, signé à Lomé, le 10 décembre 1999 ;
Prenant en Compte, toutes les considérations rappelées ou réaffirmées au préambule du protocole du 10 décembre 1999,ci-dessus visé ;
Vu les principes contenus dans la Déclaration de l'OUA sur la sécurité, la stabilité, le développement et la coopération en Afrique, adoptée à Abuja, les 8 et 9 mai 2000, de même que le contenu de la Décision AHG Dec. 142(XXV) sur le cadre pour une réaction de l'OUA face aux changements anticonstitutionnels de Gouvernement adoptée par l'OUA à Alger en juillet 1999 ;
Prenant en Compte la Déclaration de Harare adoptée par les Etats du Commonwealth le 20 octobre 1991 de même que la Déclaration de Bamako adoptée par les Etats de la Francophonie le 3 novembre 2000 ;
Prenant également en Compte la Déclaration de Cotonou adoptée le 6 décembre 2000 à l'issue de la Ivème Conférence internationale des démocraties nouvelles ou rétablies ;
Rappelant que les droits de la femme sont reconnus et garantis dans tous les instruments internationaux de droits de l'Homme, notamment la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, la Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples et la Convention sur l'élimination de toutes les Formes de discrimination contre les Femmes ;
Ayant a L'esprit la ratification de la Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples et des autres instruments internationaux des droits de l'Homme par la majorité des Etats membres de la CEDEAO, et leur engagement à éliminer toutes formes de discrimination et de pratiques préjudiciables aux femmes ;
Prenant en Compte l'acuité du terrorisme international ;
Préoccupés également par les conflits qui sont de plus en plus engendrés par l'intolérance religieuse, la marginalisation politique et la non-transparence du processus électoral ;
Constatant que le protocole du 10 décembre 1999 pour avoir plus d'efficacité exige d'être complété notamment dans le domaine de la prévention des crises intérieures, de la démocratie, de la bonne gouvernance, de l'Etat de droit, des droits de la personne ;
Ayant décidé à apporter les améliorations nécessaires au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement des conflits, de Maintien de la paix et de la sécurité existant à l'intérieur de la Communauté.
CONVENTIONS DE CE QUI SUIT :
DEFINITIONS :
Les termes et expressions tels que définis dans le protocole du 10 décembre 1999 s'entendent dans le même sens qu'au présent Protocole.
En outre, cette liste de définitions est complétée ainsi qu'il suit :
« Traité » : le Traité révisé de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) signé à Cotonou le 24 juillet 1993 ;
« Protocole » : le Protocole relatif au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement des Conflits, de Maintien de la Paix et de la Sécurité signé à Lomé le 10 décembre 1999 ;
« Protocole additionnel » : le présent Protocole sur la Démocratie et la bonne gouvernance additionnel au Protocole relatif au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement des Conflits, de Maintien de la Paix et de la Sécurité ;
« Communauté » : la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest visée à l'Article 2 du Traité ;
« Etat membre » ou « Etats membres » : un Etat membre ou des Etats membres de la Communauté tels que défini (s) à l'Article 2 paragraphe 2 ;
« Citoyen ou citoyenne de la Communauté » : tout (s) ressortissant (s) d'un Etat membre remplissant les conditions fixées par le Protocole portant définition de la Communauté ;
« Cour de Justice » : la Cour de Justice de la Communauté Créée aux termes de l'article 15 du présent Traité ;
« Conférence » : la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest créée à l'article 7 du Traité ;
« Conseil de Médiation et de Sécurité » : le Conseil de Médiation et de Sécurité défini à l'article 8 du Protocole relatif au Mécanisme de Prévention, de Gestion, de Règlement des Conflits, de Maintien de la Paix et de la Sécurité ;
« Commission de Défense et de Sécurité » : la Commission de Défense et de Sécurité défini à l'article 18 du Protocole relatif au Mécanisme de Prévention des Conflits, de Maintien de la Paix et de la Sécurité ;
« Secrétaire Exécutif » : le Secrétaire Exécutif de la CEDEAO nommé conformément à l'article 18 du Traité ;
« Secrétaire Exécutif Adjoint » : le Secrétaire Exécutif Adjoint chargé des Affaires politiques, de Défense et de Sécurité conformément à l'article 16 du Protocole ;
« Secrétariat exécutif » : Le Secrétariat exécutif créé par l'article 17 du Traité ;
« ECOMOG » : le Groupe de contrôle du Cessez-le-feu de la CEDEAO s'occupant des activités d'intervention de la Communauté et prévu à l'article 21 du Protocole relatif au Mécanisme de Prévention des Conflits ;
« Forces armées » : Armée de Terre, Armée de l'Air, Marine, Gendarmerie,
« Forces de Sécurité » : Police, Gendarmerie, Garde nationale et toutes autres forces assurant des missions de sécurité.
Chapitre premier
Des principes
Les dispositions du présent chapitre complètent et explicitent les principes contenus à l'Article 2 du protocole du 10 décembre 1999.
Section I
Des principes de convergence constitutionnelle
Art. Premier — Les principes ci-après sont déclarés principes constitutionnels communs à tous les Etats membres de la CEDEAO :
- La séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire :
la valorisation, le renforcement des Parlements et la garantie de l'immunité parlementaire ;
l'indépendance de la justice : le juge est indépendant dans la conduite de son dossier et le prononcé de ses décisions ;
la liberté des barreaux est garantie ; l'Avocat bénéficie de l'immunité de plaidoirie sans préjudice de sa responsabilité pénale ou disciplinaire en cas d'infraction d'audience ou d'infractions de droit commun.
- Toute accession au pouvoir doit se faire à travers des élections libres, honnêtes, et transparentes ;
Tout changement anti-constitutionnel est interdit de même que tout mode non démocratique d'accession ou de maintien au pouvoir ;
La participation populaire aux prises de décision, le strict respect des principes démocratiques, et la décentralisation du pouvoir à tous les niveaux de gouvernement ;
L'armée est apolitique et soumise à l'autorité politique régulièrement établie ; tout militaire en activité ne peut prétendre à un mandat politique électif ;
L'Etat est laïc et demeure entièrement neutre dans le domaine de la religion ; chaque citoyen a le droit de pratiquer librement et dans le cadre des lois en vigueur, la religion de son choix en n'importe quel endroit du territoire national. La même laïcité s'impose à tous les démembrements de l'Etat, mais elle ne doit pas priver l'Etat du droit de réglementer, dans le respect des Droits de la Personne, les diverses religions sur le territoire national ni d'intervenir en cas de troubles à l'ordre public ayant pour source une activité religieuse ;
L'Etat et toutes ses institutions sont nationaux. En conséquence, aucune de leurs décisions et actions ne doivent avoir pour fondement ou pour but une discrimination ethnique, religieuse, racial ou régionale ;
Les droits contenus dans la Charte africaine des Droits de l'Homme et des peuples et les instruments internationaux sont garantis dans chacun des Etats membres de la CEDEAO ; tout individu ou toute organisation a la faculté de se faire assurer cette garantie par les juridictions de droit commun ou par une juridiction spéciale ou par toute Institution nationale créée dans le cadre d'un Instrument international des Droits de la Personne ;
En cas d'absence de juridiction spéciale, le présent Protocole additionnel donne compétence aux organes judiciaires de droit civil ou commun ;
Les partis politiques se créent et exercent librement leurs activités dans le cadre des lois en vigueur ;
Leur formation et activités ne doivent avoir pour fondement aucune considération raciale, ethnique, religieuse, ou régionale. Ils participent librement et sans entrave ni discrimination à tout processus électoral la liberté d'opposition est garantie ;
Chaque Etat peut mettre en place un système de financement des partis politiques, sur des critères déterminés par la loi ;
La liberté d'association, de réunion et de manifestation pacifique est également garantie ;
La liberté de presse est garantie ;
Tout ancien Chef d'Etat bénéficie d'un statut spécial incluant la liberté de circulation. Il bénéficie d'une pension et d'avantages matériels convenant à son statut d'ancien chef d'Etat.
Section 2
Des élections
Art. 2 — 1. Aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six mois précédant les élections, sans le consentement d'une large majorité des acteurs politiques.
2. Les élections à tous les niveaux doivent avoir lieu aux dates ou périodes fixées par la constitution ou les lois électorales.
3. Les Etats membres prendront les mesures appropriées pour que les femmes aient, comme les hommes, le droit de voter et d'être élues lors des élections, de participer à la formulation et à la mise en œuvre des politiques gouvernementales et d'occuper et de remplir des fonctions publiques à tous niveaux de l'Etat.
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