Journal officiel du Sénégal

Loi n° 2015-16 du 06 Juillet 2015 autorisant le Président de la République à ratifier le Protocole A/P3/12/01 portant sur la Lutte contre la corruption adopté à Dakar, le 21 Décembre 2001.

EXPOSE DES MOTIFS

La corruption peut être définie comme la perversion ou le détournement d'un processus ou d'une interaction avec une ou plusieurs personnes dans le dessein soit, pour le corrupteur d'avoir des avantages ou des prérogatives particulières, soit, pour le corrompu, d'obtenir une rétribution en échange de sa bienveillance.

Complexe et multiforme, la corruption n'épargne aucun pays ; elle sape tous les efforts en faveur d'un développement harmonieux. Aussi doit-elle être combattue partout. Elle est active, lorsqu'elle consiste à proposer de l'argent ou un service à une personne en échange d'un avantage indû, ou passive, si la personne accepte cet argent ou cet avantage.

Conscients des effets pernicieux du phénomène, les Nations Unies ont adopté la Convention universelle contre la corruption en décembre 2003 à Mérida (Mexique). Bien auparavant, les Chefs d'Etat des pays de la CEDEAO, réunis à Dakar, le 21 décembre 2001, ont adopté le Protocole A/P3/12/01 aux fins de lutter contre la corruption, avec comme objectifs essentiels :

promouvoir et renforcer, dans chacun des Etats parties, le développement de mécanismes efficaces pour prévenir, réprimer et éradiquer la corruption ;

intensifier et rendre plus dynamique la coopération entre les Etats-Parties afin de rendre plus efficaces les mesures de lutte contre la corruption ;

promouvoir l'harmonisation et la coordination des lois et des politiques nationales de lutte contre la corruption.

Au demeurant, ce Protocole constitue un instrument supplémentaire pour le Gouvernement de la République du Sénégal dans sa politique de lutte contre la corruption. Il ne fait aucun doute que la corruption, par les ponctions considérables qu'elle fait peser sur les budgets des Etats, réduit très sérieusement la capacité de ces derniers à fournir les services de base essentiels au bien-être des populations.

Composé de vingt-sept (27) articles, le présent Protocole peut être amendé ou révisé par les Etats parties qui peuvent également le dénoncer. La dénomination prend effet un (1) an après le dépôt de l'instrument de dénonciation.

Tout différend qui naitrait de l'interprétation ou de l'application du présent Protocole sera réglé à l'amiable par un accord direct entre les Parties. En cas d'échec, le différend est porté devant la Cour de Justice de la Communauté dont la décision est exécutoire et sans appel.

Le présent Protocole entrera en vigueur dès le dépôt du 9ème instrument de ratification conformément aux dispositions de l'article 22. A ce jour, seuls huit (08) pays l'ont ratifié. Ainsi, l'accomplissement par le Sénégal de cette formalité permettra son entrée en vigueur.

Mahammed Boun Abdallah DIONNE

Protocole A/P3/12/01 SUR LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION

PREAMBULE

Nous, Chefs d'Etat et de Gouvernement des Etats Membres de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) ;

CONSIDERANT que les buts et objectifs de la Communauté sont de réaliser l'intégration de ses membres ;

SOUCIEUX de l'application des dispositions de l'Article 5 du Traité révisé qui enjoint aux Etats Membres de prendre toutes les mesures nécessaires pour harmoniser leurs stratégies et politiques et de s'abstenir d'entreprendre toute action qui pourrait entraver la réalisation des dits objectifs ;

RAPPELANT les dispositions des Articles 48 et 49 du protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion et de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité qui enjoignent aux Etats Membres de la CEDEAO d'éradiquer la corruption, d'adopter des mesures pour lutter contre le blanchiment d'argent et de promouvoir la transparence, la responsabilité et la bonne gouvernance sur leur territoire respectif ;

CONSCIENTS des graves conséquences de la corruption sur les investissements, la croissance économique et la démocratie ;

PERSUADES que la transparence et la bonne gouvernance renforcent les institutions démocratiques ;

RECONNAISSANT le rôle des Etats dans la prévention et la répression de la corruption ;

CONVAINCUS que le succès de la lutte contre la corruption nécessite une coopération soutenue en matière pénale ;

AYANT A L'ESPRIT les Conventions de la CEDEAO relatives à l'entraide judiciaire en matière pénale et à l'extradition ;

NOUS FELICITANT des efforts de l'Organisation des Nations Unies, ainsi que des efforts des organisations internationales, régionales, et non-gouvernementales, dans la lutte contre la corruption ;

CONVAINCUS de la nécessité d'adopter des mesures préventives et répressives pour combattre la corruption et plus particulièrement de prendre les mesures appropriées contre les personnes qui commettent des actes de corruption à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions publiques et privées ;

RESOLUS à unir les efforts de nos Etats dans la lutte contre la corruption ;

SOMMES CONVENUS DE CE QUI SUIT :

Art. premier —  Définitions

Aux fins du présent Protocole on entend par :

" Agent public ", toute personne désignée, nommée ou élue, exerçant des fonctions publiques sur une base permanente ou temporaire.

" Fonction publique ", toute activité temporaire ou permanente, rémunérée ou bénévole, accomplie par une personne physique au nom d'un Etat ou sous sa direction, son contrôle et son autorité.

Le terme " Etat " englobe les entités nationales, provinciales, régionales, locales, municipales et leurs services, ainsi que d'autres agences publiques ;

" Biens ", désigne tous les types d'avoirs corporels ou incorporels, meubles ou immeubles, tangibles ou intangibles, ainsi que les actes juridiques ou documents attestant la propriété de ces avoirs ou les devoirs y relatifs ;

" Personnes morales ", toute entité ayant ce statut dans le cadre des lois nationales applicables exception faite des Etats ou autres entités publiques dans l'exercice de l'autorité publique et des organisations internationales publiques ;

" Traité ", le Traité révisé de la CEDEAO daté du 24 juillet 1993 et qui inclut tous les amendements qui s'y rattachent ;

" Etat(s) Membre(s)", Etat Membre de la Communauté tel qu'il est défini dans le paragraphe 2 de l'Article 2 du Traité ;

" Conférence ", la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de la CEDEAO crée par l'article 7 du traité ;

" Conseil ", le Conseil des Ministres de la Communauté établi par l'Article 10 de ce Traité ;

" Secrétaire Exécutif ", le Secrétaire exécutif nommé conformément aux dispositions de l'Article 18 du Traité ;

" Etats Parties ", les Etats qui ont adhéré au présent Protocole, y compris les Etats Membres de la CEDEAO.

" Agent public étranger ", toute personne exerçant une fonction publique dans une entreprise ou un organisme public dans un autre Etat Membre ;

" Cour de Justice de la Communauté ", la Cour de Justice établie conformément aux Articles 6 et 15 du Traité ;

" Infraction principale " toute infraction à la suite de laquelle un produit est généré, qui est susceptible de devenir l'objet d'une infraction définie à l'article 6 du présent Protocole.

Art. 2 —  Buts et objectifs

Le présent protocole a pour but :

i)

de promouvoir et de renforcer, dans chacun des Etats parties, le développement de mécanismes efficaces pour prévenir, réprimer et éradiquer la corruption ;

ii)

d'intensifier et de rendre plus dynamique la coopération entre les Etats parties afin de rendre plus efficaces, les mesures de lutte contre la corruption ;

iii)

de promouvoir l'harmonisation et la coordination des lois et des politiques nationales de lutte contre la corruption.

Art. 3 —  Portée

1. Le présent Protocole s'applique chaque fois qu'un acte de corruption est commis, ou a produit ses effets dans un Etat Partie.

2. Le présent Protocole s'applique chaque fois qu'un système institutionnel national n'est pas en mesure d'appliquer les mesures préventives de base énumérées à l'Article 5 ci-dessous.